Proposition de loi concernant la limitation du régime d’indemnisation en cas de marchés publics dans le cadre de la pandémie du COVID-19
Conformément à l’article 38/9 de l’AR EXEUCTION, l’adjudicataire peut obtenir une révision du marché en invoquant des circonstances imprévisibles.
Les révisions peuvent consister soit en une prolongation des délais d’exécution, soit, lorsqu’il s’agit d’un préjudice très important, en une autre forme de révision ou en la résiliation du marché.
Si l’adjudicataire souhaite en raison du préjudice financier subi obtenir une indemnisation, il lui faudra démontrer que ce préjudice atteint au moins les seuils suivants:
- pour les marchés de travaux et les marchés de services manuels: au moins 2,5% du montant initial du marché;
- si le marché est passé sur la base du seul prix, sur la base du coût ou sur la base du meilleur rapport qualité-prix lorsque le poids du critère relatif aux prix représente au moins 50% du poids total des critères d’attribution, l’AR EXECUTION prévoit des seuils absolus compris entre 175.000 EUR et 300.000 EUR selon les marchés;
- pour les marchés de fournitures et de services non manuels : 15% du montant initial du marché.
Dès que les seuils susmentionnés sont atteints, l’adjudicataire a donc en principe droit à une indemnisation pour les frais effectivement encourus.
Les conditions d’introduction des réclamations sont reprises aux articles 38/14 à 38/16 de l’AR EXECUTION.
Proposition de loi limitant l’application de l’article 38/9 AR EXECUTION dans le cadre de la crise du COVID-19
Le 8 juillet 2020, une proposition de loi a été introduite afin de limiter l’application de l’article 38/9 AR EXECUTION dans le cadre de la crise du COVID-19.
Puisque la pandémie du COVID-19 constitue une circonstance imprévisible dans le chef des deux parties, les auteurs de la proposition estiment qu’il serait injuste que les frais qui en découlent soient presque unilatéralement et en grande partie à charge de l’adjudicateur
Selon les auteurs de la proposition, une limitation de la possibilité de percevoir une indemnisation des frais réellement portés serait une application du principe de la collaboration loyale des parties et constituerait une répartition raisonnable des charges résultant de la crise du COVID-19.
Les possibilités de révision sont limitées de la manière suivante :
- une suspension du délai d’exécution ou, quand le marché n’a pas été suspendu, une prolongation du délai d’exécution pour la durée pendant laquelle les mesures précitées ont empêché ou sérieusement compliqué l’exécution du marché;
- une indemnité forfaitaire pour les frais spécifiquement exposés par l’adjudicataire dans le cadre du marché en vue du respect de toutes les mesures hygiéniques et sanitaires. L’indemnité unique et forfaitaire sera fixée en fonction de l’importance de la partie du marché qui, à la date de la notification de la circonstance imprévisible, devait encore être exécutée. Valeur de la partie du marché devant encore être exécuté
- 1%
- < 10.000.000 EUR (travaux)
- < 100.000 EUR (fournitures ou services)
- 0,75%
- < 50.000.000 EUR et > 10.000.000 EUR (travaux)
- < 500.000 EUR et > 100.000 EUR (fournitures ou services)
- 0,50%
- < 100.000.000 EUR et > 50.000.000 EUR (travaux)
- < 1.000.000 EUR et > 500.000 EUR (fournitures ou services)
- 0,25%
- > 100.000.000 EUR (travaux)
- > 1.000.000 EUR (fournitures ou services)
- 1%
Toute autre forme de compensation est exclue. L’adjudicataire n’est plus tenu de prouver l’existence d’un » préjudice très important » ou de fournir une requête dûment justifiée et chiffrée.
- la résiliation du marché, sans droit à une indemnisation, lorsque les mesures précitées empêchent ou compliquent sérieusement, de manière définitive, toute exécution ultérieure du marché ou privent le marché de tout sens ou de toute utilité.
Il est important de noter que cet amendement entrerait en vigueur rétroactivement le 18 mars 2020, à savoir à la date de l’arrêté ministériel portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19
La critique du Conseil d’Etat
Le 25 août 2020, la section de législation du Conseil d’Etat émet son avis par rapport cette modification. Les principales critiques du Conseil d’État sont les suivantes :
- Effet rétroactif: Selon le Conseil d’État, cet effet rétroactif, qui affecte la sécurité juridique, est insuffisamment justifié dans l’exposé des motifs du projet de loi. En particulier, des motifs purement financiers seraient insuffisants pour justifier un tel effet rétroactif. Selon le Conseil d’État, le point de départ du projet de loi, selon lequel les coûts résultant de la crise COVID-19 ne devraient pas seulement être supportés par les pouvoirs adjudicateurs, serait également erroné. En effet, selon l’actuel article 38/9, l’adjudicataire doit fournir la preuve d’ « un préjudice très important » s’il veut obtenir une indemnisation.
- Inégalité:
- Le Conseil d’Etat critique le caractère forfaitaire de l’indemnité qui empêcherait de demander une indemnisation pour les dommages réellement subis.
- Comme la modification ne concerne que l’article 38/9, qui s’applique aux marchés publiés à partir du 30 juin 2017, une inégalité est créée avec les marchés publiés avant cette date.
La situation actuelle
A la date de publication du présent article, la proposition de loi est à nouveau pendante devant la Chambre.
Il reste à voir si les critiques sérieuses du Conseil d’Etat pourront être écartées.
Dans l’attente, il semble que les points suivants méritent d’être soulignés :
- La proposition de loi ne porterait pas atteinte aux indemnisations définitivement réglées.
- Tant que la modification n’a pas été adoptée, des règlements à l’amiable peuvent donc encore être conclus. Cependant, certains adjudicateurs semblent suspendre les discussions à l’amiable jusqu’à ce que la question actuelle soit plus claire.
- Tant que la modification n’a pas été adoptée, les formalités de l’AR EXECUTION doivent être strictement respectées par l’adjudicataire s’il souhaite obtenir une indemnisation.
- la dénonciation des circonstances doit avoir lieu par écrit dans les trente jours de leur survenance;
- il convient de communiquer et de décrire l’influence de ces circonstances sur le déroulement et le coût du marché endéans le même délai;
- en outre la requête doit être dûment justifiée et chiffrée dans les délais suivants:
- avant l’expiration des délais contractuels pour obtenir une prolongation des délais d’exécution ou la résiliation du marché ;
- au plus tard 90 jours à compter de la date de notification à l’adjudicataire du procès-verbal de réception provisoire du marché, pour obtenir une indemnisation.
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