Une circulaire encadre les retards de paiement dans les marchés publics
Le 1er juillet 2013 est entré en vigueur un arrêté royal établissant les règles générales d’exécution des marchés publics (AR RGE). Cet AR a également fixé les délais de paiement du marché ainsi que des sanctions en cas de retard de paiement. Il a toutefois déjà été modifié le 9 juin 2014.
Dans une circulaire du 20 novembre 2014, le Premier ministre Michel précise quelles sont les dispositions applicables entre celles de l’AR et celles de l’AR modifié, et depuis quand.
Règles générales en cas de retard de paiement
Les règles générales applicables en cas de retard de paiement ont été décrites par la « loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales ». Une transaction commerciale dont le contrat ne précise pas de date ou de délai de paiement, doit être réglée dans les 30 jours, selon cette loi.
Mais ces règles générales ne sont applicables aux transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics « que dans la mesure où des dispositions spécifiques de la réglementation relative aux marchés publics sur le plan des règles d’exécution générales [l’AR RGE] ne sont pas applicables ».
En pratique, les règles spécifiques de l’AR RGE ne sont pas applicables et sont donc suppléées par les règles générales de la loi dans deux cas précis :
- d’une part, en cas de transactions commerciales entre entreprises – et certaines entreprises publiques sont désormais considérées comme de simples « entreprises » ; et
- d’autre part, en cas de « petits » marchés publics entre entreprises et pouvoirs publics débiteurs.
Les entreprises publiques, comme la SNCB, Belgacom ou De Lijn, sont considérées par le législateur européen comme des entreprises ordinaires. Les marchés émis par ces entreprises étatiques sont donc soumis aux règles générales, et pas aux règles spécifiques en matière de marchés publics.
Il en va de même pour les marchés passés par des entreprises privées bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs. Ces marchés sont également soumis aux règles générales.
Les « petits » marchés, dont le montant estimé est inférieur ou égal à 8.500 euros (hors TVA), tombent hors du champ d’application de la législation sur les marchés publics et sont donc soumis aux règles générales de paiement issues de la loi.
Dans les domaines de la défense et de la sécurité, ce seuil est fixé à 17.000 euros.
Délais de vérification et de paiement
Pour les marchés publics concernés, l’AR RGE a remplacé les délais de paiement de la réglementation antérieure par deux délais fixés séparément :
- un délai fixe pour vérifier les prestations fournies (délai de vérification) ; et
- un délai pour le paiement de la facture (délai de paiement).
Le délai de vérification est de 30 jours. Il commence à courir :
- pour les travaux : à partir de la date de réception de la déclaration de créance et de l’état détaillé des travaux ;
- pour les fournitures : à partir de la date de livraison ; et
- pour les services : à partir de la date de la fin des services.
Le délai de paiement effectif est également de 30 jours et commence à courir à partir de la fin de la vérification, si les autorités ont entretemps pu disposer de tous les documents requis (déclaration de créance ou facture régulièrement établies, etc.).
Si la vérification prend fin par exemple au 10e jour du délai de vérification de 30 jours, le délai de paiement commence donc à courir à partir du 11e jour.
Attention toutefois, à l’origine, l’AR RGE prévoyait que le délai de paiement commençait à courir à partir de l’échéance du délai de vérification de 30 jours. La règle selon laquelle la fin de la vérification fait courir le délai de paiement a été introduite par l’arrêté modificatif et ne s’applique que depuis le 9 juin 2014.
Pas de délai de vérification
Que se passe-t-il si les documents du marché excluent l’application d’un délai de vérification? Le délai de paiement de 30 jours débute alors :
- après la date de réception de la créance ou de la facture ;
- après la date de réception de l’état détaillé des travaux, après la date de livraison, ou après la date de fin des services (lorsque la date de réception de la créance n’est pas certaine) ; et
- après la réalisation des travaux, après la livraison ou après la fin des services (en cas de réception de la facture avant la fin des services).
La circulaire précise toutefois qu’une vérification doit toujours avoir lieu, sauf si les documents du marché prévoient expressément le contraire.
Délai de paiement plus long dans le secteur des soins de santé
Le législateur européen permet aux Etats membres de porter le délai de paiement à 60 jours pour « les marchés publics des pouvoirs adjudicateurs qui dispensent des soins de santé et qui sont dûment reconnus à cette fin ». Notre pays en bénéficie mais limite cette prolongation aux marchés relatifs à l’exercice de cette activité : « Le délai de paiement (…) est fixé à soixante jours pour les marchés passés par des pouvoirs adjudicateurs qui dispensent des soins de santé, uniquement pour les travaux relatifs à l’exercice de cette activité, et qui sont dûment reconnus à cette fin ».
La circulaire encadre cette règle. Dans le cas d’une personne morale au sein de laquelle opèrent, outre une entité dispensant des soins de santé, une ou plusieurs autres entités (comme par exemple un établissement d’enseignement), le délai de paiement ne sera prolongé que pour les marchés publics passés par l’entité dispensatrice de soins. D’autre part, le délai de paiement prolongé est applicable à tous les marchés passés par celle-ci, y compris pour les travaux, les fournitures et les services qui ne sont pas spécifiquement destinés à dispenser des soins de santé.
Suspension du délai de paiement
Le délai de paiement est prolongé du nombre de jours dont dispose l’adjudicataire pour introduire sa facture, et du nombre de jours nécessaires pour recevoir la réponse de l’adjudicataire en cas d’enquête sur ses dettes sociales ou fiscales éventuelles.
Délai global de vérification et de paiement
L’AR modificatif a adapté l’AR RGE : depuis le 9 juin 2014, les délais de vérification et de paiement doivent également être perçus et respectés de manière globale. Cela signifie que depuis cette date, un intérêt est dû en cas de retard de paiement de même qu’une indemnisation pour frais de recouvrement :
- lorsque le paiement a lieu en dehors du délai de paiement de 30 jours (même si le délai global est respecté) ; mais aussi
- lorsque le paiement a lieu en dehors du délai global, qui est en général de 60 jours (30 jours de délai de vérification – si ce délai est entièrement épuisé – plus 30 jours de délai de paiement, et ce même si ce dernier est respecté).
En effet, il n’existe actuellement aucune sanction en cas de dépassement du délai de vérification de 30 jours, mais bien en cas de dépassement du délai de paiement. Les autorités souhaitent ainsi éviter que le délai de vérification ne soit étendu librement en vue de reculer le délai de paiement.
Prolongation des délais
L’AR RGE interdit de prévoir des délais plus longs de vérification ou de paiement.
De telles dispositions au sein des documents du marché sont considérées comme inexistantes.
L’arrêté reconnaît toutefois une exception. Tant le délai de vérification que celui de paiement peuvent être prolongés si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- les documents du marché stipulent expressément un délai plus long ;
- la prolongation se justifie objectivement par la nature particulière ou les caractéristiques du marché ;
- la nature particulière ou les caractéristiques du marché font l’objet d’une motivation formelle dans le cahier spécial des charges ; et
- la prolongation du délai de vérification ne constitue pas, à l’égard de l’adjudicataire, un abus manifeste, tandis que le délai de paiement ne peut quant à lui pas excéder 60 jours.
La circulaire insiste sur le fait que la prolongation de ces délais « doit rester exceptionnelle ».
Intérêt, forfait et indemnisation pour frais de recouvrement
En cas de dépassement du délai de paiement, l’adjudicataire a droit au paiement, de plein droit et sans mise en demeure, d’un intérêt de retard au prorata du nombre de jours de retard, et d’une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement.
L’adjudicataire est également en droit de réclamer une indemnisation raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement éventuels causés par le retard de paiement. La circulaire fait notamment référence aux dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances.
Le fait que l’intérêt et l’indemnité forfaitaire soient dus de plein droit implique que l’adjudicataire concerné ne doive donc pas introduire de demande séparée de paiement.
La circulaire précise encore que l’intérêt et l’indemnité pour frais de recouvrement doivent être calculés sur le montant du marché hors TVA.
Intérêt de retard
Le taux d’intérêt applicable est calculé par le Ministre des Finances et publié au Moniteur belge « au début de chaque semestre » ainsi que sur le site web fédéral « 16procurement », selon la circulaire.
Ce taux s’élève actuellement à 8,5% (sur une base annuelle).
L’ancienne réglementation permettait, dans des cas très exceptionnels, de diminuer le taux d’intérêt dans les documents du marché, mais cette possibilité n’est plus prévue.
Catégories de marchés spécifiques
La circulaire met enfin l’accent sur le fait que les règles de paiement de l’AR RGE sont également applicables :
- aux marchés de promotion de travaux ;
- aux concessions de travaux publics ; et
- aux catégories de marchés qui, pour le surplus, sont exclues de manière générale du champ d’application matériel de l’AR RGE, comme les marchés de services financiers et les marchés relatifs aux services sociaux et sanitaires.
L’application des règles de paiement de l’AR RGE à ces catégories particulières est expliquée plus en détails dans l’AR RGE lui-même (art. 6, 96 et 104).
De circulaire en circulaire
La nouvelle circulaire remplace la circulaire du 12 mars 2009, bien que cette dernière soit toujours applicables aux marchés publics passés avant le 1er juillet 2013.
Source: Circulaire du 20 novembre 2014 – Marchés publics et concessions de travaux publics. – Règles de paiement de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics, modifié par l’arrêté royal du 22 mai 2014. – Délais et sanctions, M.B., 26 novembre 2014
Voir également
Loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, M.B., 7 août 2002
Arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics, M.B., 14 février 2013 (AR RGE)