Compte de tiers et plus grande ouverture dans les procédures disciplinaires des agents immobiliers
La loi oblige désormais les agents immobiliers à placer les fonds de leurs clients sur un compte distinct. Les syndics n’ont plus l’obligation d’établir les listes IPI annuelles et la procédure disciplinaire de l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI) gagne en transparence. Lorsqu’une plainte est classée sans suite, par exemple, le plaignant pourra faire appel de la décision. Un assessorat juridique général est également créé.
Syndic
Chaque année, tous les syndics doivent fournir à l’IPI une liste des copropriétés dont ils sont les syndics.
La loi du 21 décembre 2017 abroge cette obligation dès le moment où l’association des copropriétaires a inscrit le syndic à la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE). L’obligation d’inscription du syndic à la Banque-Carrefour a été instaurée l’année dernière. Une période transitoire est en cours.
Un syndic qui a été désigné auprès de plusieurs associations n’est totalement dispensé de l’obligation de dresser la liste IPI que si toutes les associations de copropriétaires ont inscrit le syndic à la BCE.
Assesseur juridique
Les agents immobiliers qui ne respectent pas leurs obligations déontologiques sont passibles d’une peine disciplinaire, telle qu’un avertissement, un blâme, une suspension ou une radiation. Le dossier disciplinaire est d’abord examiné en détail par un assesseur juridique. Celui-ci décide alors s’il transmet la plainte à la Chambre exécutive en vue d’une procédure disciplinaire. Le législateur réunit à présent toutes les dispositions relatives aux assesseurs juridiques et transfère également à cet effet quelques règles de l’AR du 20 juillet 2012 déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’IPI vers la loi organisant la profession d’agent immobilier.
Concrètement : le ministre des Classes moyennes désigne parmi les avocats un assesseur juridique ainsi qu’un ou plusieurs assesseurs juridiques suppléants pour chaque Chambre exécutive. Ils sont nommés pour un délai de six ans. Les assesseurs juridiques des Chambres exécutives forment ensemble l’assessorat juridique.
Ils jugent de l’opportunité de poursuites disciplinaires. Les assesseurs juridiques peuvent convoquer ou faire convoquer les membres-agents immobiliers devant les Chambres exécutives s’ils estiment que les faits commis constituent un manquement déontologique suffisamment grave.
Dans le cas contraire, ils classent le dossier sans suite.
Ils peuvent également subordonner le classement d’un dossier « au respect de conditions ». L’affaire sera alors classée si l’agent immobilier concerné s’engage à respecter des conditions déterminées.
L’assesseur peut aussi formuler, dans sa décision, « toute recommandation qu’il juge utile ».
Assesseur juridique général
Outre les assesseurs juridiques, le ministre nomme désormais aussi un assesseur juridique général francophone et un assesseur juridique général néerlandophone ainsi qu’un ou plusieurs assesseurs généraux suppléants. Ils sont nommés, à l’instar des assesseurs juridiques ‘ordinaires’, parmi les avocats inscrits à un tableau de l’Ordre.
Les assesseurs juridiques généraux forment ensemble l’assessorat juridique général.
Les assesseurs juridiques généraux se prononceront sur les demandes de révision d’une décision de classement sans suite d’une plainte prise par les assesseurs juridiques.
Les missions des assesseurs juridiques et des assesseurs juridiques généraux seront davantage détaillées dans un arrêté royal.
Incompatible
Il est déjà établi que la fonction d’assesseur juridique ne peut pas être combinée à celle d’assesseur juridique général.
De même, personne ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs d’assesseur juridique ou d’assesseur juridique général. Après deux mandats consécutifs, l’intéressé doit laisser s’écouler quatre ans au moins avant de pouvoir à nouveau accepter le mandat.
Un régime transitoire s’applique aux assesseurs en fonction.
Un délai de quatre ans au moins doit également s’écouler entre un mandat d’assesseur juridique et un mandat d’assesseur juridique général.
Feed-back de l’assesseur
Si un assesseur juridique décide de classer sans suite une plainte déposée à l’encontre d’un agent immobilier, il doit désormais notifier cette décision à la personne qui a introduit la plainte et au bureau de l’IPI. Les informations relatives à la vie privée de l’agent immobilier ou de tiers sont préalablement supprimées.
Le plaignant et le bureau peuvent chacun adresser à l’assesseur juridique général une demande de révision de la décision de classement sans suite. Cette demande doit être introduite par envoi recommandé dans un délai de quinze jours. L’assesseur juridique général se penche alors sur la demande de révision et prend une décision dans un ‘délai raisonnable’, ce délai n’étant pas davantage précisé.
En cas de révision de la décision de classement sans suite, l’assesseur juridique général convoque à nouveau l’agent immobilier devant la Chambre exécutive.
En cas de refus d’accéder à la demande de révision, l’assesseur général en informe l’auteur de la demande, à savoir le plaignant, le bureau ou les deux.
Feed-back pendant la procédure disciplinaire
Si un assesseur juridique (ou un assesseur juridique général) estime que la procédure disciplinaire est opportune, il transmet le dossier à la Chambre exécutive et la procédure disciplinaire actuelle est suivie.
La Chambre exécutive doit désormais adresser une copie des motifs et du dispositif de chaque décision disciplinaire au bureau et à l’assesseur juridique ou à l’assesseur juridique général qui a introduit le dossier auprès d’elle.
Le bureau et l’assesseur qui a transmis le dossier disposent d’un délai de trente jours pour faire appel de la décision de la Chambre exécutive.
La Chambre d’appel doit à son tour adresser une copie des motifs et du dispositif de sa décision disciplinaire au bureau et à l’assesseur qui a introduit le dossier.
Dès que la décision est devenue définitive et qu’il n’est plus possible de faire appel, la Chambre exécutive (ou la Chambre d’appel, s’il a été interjeté appel) adresse une copie du dispositif de sa décision à la personne qui a introduit la plainte.
Le plaignant peut alors demander de recevoir lui aussi une copie des motifs de la décision ou de pouvoir consulter le dossier disciplinaire. La consultation ne peut être accordée que si l’intéressé peut invoquer des motifs sérieux. La Chambre décide en toute autonomie s’il est donné suite ou pas à cette demande.
La Chambre peut également décider de sa propre initiative de communiquer le dispositif de sa décision à des tiers et d’accorder à ces tiers la consultation du dossier disciplinaire sur la base de motifs sérieux.
Mesures provisoires
S’ils estiment que les activités d’un agent immobilier peuvent causer un préjudice à des tiers ou que l’honneur de l’institut peut être mis à mal, l’assesseur juridique et son collègue assesseur général peuvent prendre des mesures provisoires, applicables sur une durée de maximum trois mois. Par exemple : l’interdiction temporaire d’exercer la profession.
Sur demande de l’assesseur, la Chambre exécutive peut prolonger la durée de ces mesures de six mois.
L’assesseur ou la Chambre informe l’agent immobilier et le bureau de la décision de prendre des mesures provisoires ou de prolonger leur durée.
L’agent immobilier peut faire appel de la décision de prendre des mesures provisoires ou de prolonger leur durée auprès de la Chambre d’appel, selon une procédure accélérée.
Peine disciplinaire contre un syndic
Un syndic qui est condamné à une lourde sanction disciplinaire doit en informer par courrier recommandé les présidents des assemblées générales des associations de copropriétaires.
C’est le cas :
- lorsque le syndic s?est vu infliger une ou plusieurs mesures provisoires,
- lorsqu’une suspension de plus d’un mois sans sursis a été prononcée, ou
- lorsqu’il est radié du tableau ou de la liste des stagiaires.
La loi précise quand et à qui le courrier recommandé et la preuve d’envoi doivent parvenir et ce qui doit y figurer.
Les syndics qui ne respectent pas cette obligation sont considérés comme des syndics portant illégalement le titre de syndic et exerçant illégalement la profession de syndic.
Un régime distinct s’applique aux syndics qui font partie d’une personne morale comptant plusieurs agents immobiliers syndics.
Mesures conservatoires
Le bureau, l’assesseur juridique et l’assesseur juridique général peuvent, dans un dossier concret, demander au président du tribunal de première instance de prendre des mesures conservatoires qu’ils jugent utiles, telles que la désignation d’un administrateur provisoire ou le blocage pour l’agent immobilier de l’accès aux comptes sur lesquels se trouve l’argent de tiers.
Le bureau fonde sa décision de demander des mesures conservatoires sur la note de politique de poursuite, qui a été établie par le Conseil national et approuvée par le ministre fédéral des Classes moyennes. La mesure doit être dictée par le souci de protéger l’intérêt collectif des membres de l’Institut professionnel des Agents immobiliers, de protéger la dignité de la profession d’agent immobilier et d’éviter tout préjudice à des tiers.
Si l’agent immobilier est un syndic, l’administrateur provisoire le remplace comme syndic des copropriétés (aussi longtemps qu’aucun syndic provisoire n’a été désigné).
En ligne
Les Chambres exécutives et les Chambres d’appel doivent publier, sur le site Internet de l’IPI, les motifs et le dispositif de toutes les décisions disciplinaires définitives prononçant une peine de suspension ou de radiation pour des faits de détournement ou de non-remboursement de fonds, de réception de commissions occultes ou de manquements graves ainsi que toutes autres décisions jugées ‘utiles’.
Les décisions sont d’abord rendues anonymes.
Compte de qualité
Tout agent immobilier doit faire une distinction entre ses propres fonds et les fonds des tiers. Cette distinction a déjà été faite dans le code de déontologie, mais elle dispose désormais d’une base légale. Le compte de qualité peut être de deux types : un compte de tiers effectif et un compte rubriqué. Un compte de tiers est un compte global sur lequel sont reçus ou gérés les fonds qui doivent être transférés à des clients ou à des tiers. Le compte rubriqué est un compte individualisé ouvert dans le cadre d’un (gros) dossier déterminé ou pour un client spécifique.
La loi définit un certain nombre de conditions. Ainsi, un compte de qualité ne peut jamais être en débit. Un crédit ne peut jamais être consenti avec le solde du compte. Le compte ne peut jamais servir de sûreté. Etc.
L’agent immobilier est réputé reverser les fonds reçus le plus rapidement possible à la personne qui y a droit. Toutefois, si pour des raisons valables, il ne peut remettre les fonds à l’ayant droit dans un délai de quatre mois, il les verse sur un compte rubriqué, sauf si le montant total est inférieur à 2.500 euros.
Ce montant de 2.500 euros est réévalué tous les deux ans.
Les sommes qui n’ont pas pu être versées sont inscrites après deux ans à la Caisse des dépôts et consignations.
Ce délai de deux ans est suspendu en cas de procédure judiciaire.
Le gouvernement fédéral peut fixer par arrêté royal des modalités supplémentaires concernant la gestion, l’accès, le contrôle et la surveillance des comptes de qualité.
Le législateur charge l’institut professionnel d’élaborer un régime de contrôle déterminant au moins par qui, sur quoi, quand et comment un contrôle est exercé en ce qui concerne à la fois les comptes de tiers et les comptes rubriqués. Le régime de contrôle prévoit également des sanctions.
Les comptes gérés dans le cadre d’un mandat judiciaire en sont exclus.
Plaintes ?
Dans l’exposé des motifs du projet de modification de la loi, nous trouvons enfin quelques informations concernant les dossiers disciplinaires qui ont été ouverts ces dernières années à l’encontre d’agents immobiliers. Les chiffres proviennent d’un rapport établi par l’IPI sur la période 2014-2015.
Il ressort de ces chiffres que 1.574 dossiers sur 2.403 (65,5%) ont été classés sans suite. Les chiffres révèlent également que les plaintes introduites du côté néerlandophone sont transmises plus rapidement à la Chambre exécutive que les plaintes introduites du côté francophone. D’autre part, le nombre d’acquittements et le nombre de dossiers dans lesquels les faits sont prouvés, mais sans être suffisamment graves pour justifier une sanction disciplinaire, sont nettement plus élevés dans le nord que dans le sud du pays. Du côté francophone, des poursuites sont donc moins facilement engagées, mais en cas de poursuites, la sanction est plus lourde. Nos voisins du nord optent plus facilement pour le blâme ou l’avertissement et procèdent donc plus rarement à une suspension ou une radiation. Selon l’exposé des motifs, un équilibre s’établit ainsi dans le traitement des dossiers de plaintes du côté francophone et du côté néerlandophone, malgré la différence de politique de poursuite dans la phase précédant une éventuelle poursuite disciplinaire et, ensuite, dans la phase de poursuite disciplinaire.
Notons enfin que la plupart des dossiers qui ont été introduits durant la période 2014-2015 ont été classés sans suite pour les raisons suivantes :
- aucune faute déontologique n’avait été commise ; il s’agissait peut-être d’un problème civil ou commercial (645 dossiers);
- les preuves trouvées n’étaient pas suffisantes (292 dossiers) ; ou
- un accord à l’amiable avait été conclu (291 dossiers).
D’application :
- En Belgique.
- À partir du 1er février 2018.
- À partir du 1er août 2018, en ce qui concerne les comptes de qualité (art.13).
- Avec des mesures transitoires pour les agents immobiliers syndics et pour les assesseurs juridiques en fonction (art.11 et 12).
À venir : arrêté d’exécution.
Source: Loi du 21 décembre 2017 modifiant la loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier, MB 22 janvier 2018.
Voir également :
– Art. 577-8, § 2/1 du Code civil [sur l’obligation d’inscription du syndic à la Banque-Carrefour des Entreprises].
– Arrêté royal du 15 mars 2017 relatif aux modalités d’inscription du syndic à la Banque-Carrefour des Entreprises, MB 24 mars 2017.